GUJARATI (LITTÉRATURE)

GUJARATI (LITTÉRATURE)
GUJARATI (LITTÉRATURE)

Le gujar t 稜 est la langue de l’État fédéral le plus occidental de l’Union indienne, le Gujar t, né en 1960 après sa séparation d’avec le Mah r ルレra, bordé à l’ouest par l’océan Indien et à l’est par les États du R jasth n, du Madhya Prade ご et du Mah r ルレra. La frontière linguistique ne suit pas exactement la frontière politique, et le gujar t 稜, langue d’un peuple de négociants, est parlé non seulement dans toutes les grandes villes de l’Inde – et surtout à Bombay – mais aussi hors de l’Inde, en Afrique, en Asie du Sud et en Angleterre, par plus de trente-deux millions de locuteurs, dont un cinquième hors du Gujar t. L’amd v d 稜, le parler d’Ahmedabad, capitale historique et économique, est la langue normative, mais le gujar t 稜 reconnaît de nombreux dialectes, soit régionaux (tel le k レh 稜v ボ 稜 au Saur ルレra), soit propres à des groupes sociaux, comme le parler des aborigènes Bh 稜ls (le bh 稜l 稜), ou encore celui des P rs 稜s.

Les premières manifestations littéraires datent de la fin du XIIe siècle, et le gujar t 稜 est l’unique langue indo-aryenne dont la filiation soit clairement établie, puisqu’elle est l’héritière directe du «vieux gujar t 稜», ou «vieux r jasth n 稜 occidental», langue commune du R jasth n et du nord du Gujar t jusqu’au XVe siècle, elle-même détachée du ごaurasen 稜 apabhra ュsá (l’ancêtre commun des vernaculaires du nord et du centre de l’Inde), procédant directement du moyen et vieil indo-aryen. La littérature gujar t 稜 fut d’abord religieuse: à son stade le plus ancien, elle fut consacrée à la prédication jaina; médiévale, elle exprima le sentiment religieux hindou – et même ismaélite – et servit à transmettre l’héritage de la culture sanskrite classique. Elle se transforma, à la fin du XIXe siècle, en une littérature profane, instrument du renouveau provoqué par la tutelle occidentale, servit l’idéal humaniste et politique d’un fils du Gujar t, Gandhi, avant de se diversifier en un vivant outil de culture autour des centres intellectuels de Bombay et d’Ahmedabad.

Le vieux gujar size=5t size=5稜 (XIIe-XVe siècle)

Les moines jaina, à l’apogée de leur influence culturelle sous la dynastie sola ュk 稜 (918-1298), n’hésitèrent pas à faire usage de la langue vernaculaire contemporaine à des fins littéraires, fait unique à une époque où le savoir ne pouvait s’exprimer que dans une langue morte, savante et stylisée, fût-elle le sanskrit, le prakrit ou l’apabhra ュsá. Leur but était de rendre accessibles aux laïcs, sinon leurs écrits savants, du moins leurs œuvres édifiantes. Les compositions les plus anciennes appartiennent au type du r sa , long poème mi-narratif, mi-lyrique, destiné à l’origine à être récité ou joué lors des fêtes religieuses. Les premiers r sa ont pour thème les récits mythologiques tissés autour des vingt-quatre grands héros t 稜rtha ュkara du jainisme, tels Bharate ごvara-B hubali-ghora (1166) de Vraj sena, ou Bharate ごvara-B hubali-r sa (1185) de え libhadra. Le charmant Revantagiri-r sa de Vijayasena (1232) donne une description poétique du mont Girn r, au sud de la péninsule du K レh 稜v ボ. Les moines jaina utilisèrent des genres littéraires profanes, parfois d’origine folklorique, comme le ph gu ou le b ram s . Le Vasanta-vil sa de la fin XIVe siècle (divertissement vernal), un très bel exemple de ph gu profane anonyme, chante la réunion de deux amants au printemps. Le Sth libhadra-ph gu de Jinapadma S ri (1334) souligne la vanité de l’amour de Sth libhadra pour son ancienne maîtresse, la courtisane Ko ご , et l’ardeur de son amour mystique pour le renoncement au monde. Les b ram s sont des poèmes mnémotechniques énumérant les douze mois de l’année; sous leur forme littéraire, ils décrivent presque exclusivement le viraha , c’est-à-dire le sentiment douloureux de la séparation des amants, vécu par une jeune femme tout au long d’une année. L’histoire de Nemin tha, le vingt-deuxième t 稜rtha ュkara , qui renonça à sa fiancée R jala la veille de ses noces, inspira les plus anciens et célèbres b ram s , dont le Nemin tha catu ルpadik de Vinayacandra S ri (fin du XIIIe s.).

Fait inattendu pour un vernaculaire ancien, le vieux gujar t 稜 a une vaste littérature en prose. Elle se compose surtout de traités didactiques, explications et traductions de textes sacrés du jainisme, sous la forme des b l vabodha («instruction aux enfants»). Somasundara a illustré ces «catéchismes» de contes exemplaires dans un style vif (Upade ごam l , 1429). Le chef-d’œuvre de M ユikyasundara S ri, le P リthv 稜candracaritra (1422), appartient au genre des dharma kath («contes édifiants»). Extérieure au jainisme, la veine épique chère aux clans des R jp ts fut exploitée au Gujar t dans le K nha ボadeprabandha par Padman bha (1456), décrivant les faits d’armes du Cauh ユa de J lor (au sud du M rv ボ) contre le sultan de Delhi, All ud-din, une chanson de geste qui est au gujar t 稜 ce qu’est le P リthv 稜r ja-r so au hind 稜.

Gujar size=5t size=5稜 médiéval (XVe-XIXe siècle)

Née avec le début du règne des sultans indépendants du Gujar t (1411-1573), la littérature en gujar t 稜 médiéval est presque exclusivement hindoue, peut-être patronnée par les féodaux r jp ts des suzerains musulmans d’Ahmedabad. Elle se regroupe autour de deux thèmes: l’expression d’une dévotion personnelle à Dieu (bhakti ) en de courts hymnes (pada ), et la transmission de la culture hindoue par la traduction ou l’adaptation des grandes œuvres sanskrites en des poèmes narratifs ( khy na et kath ).

Narasi ュha Mahet (1411-1480?) est le plus grand écrivain gujar t 稜, et en tout cas le plus ancien dont les poèmes soient chantés maintenant. De sa vie, nous ne connaissons que des légendes. Son hagiographie fut un thème littéraire inépuisable tout au long du Moyen Âge et l’est encore de nos jours. Les miracles les plus célèbres racontent l’assistance merveilleuse de Krishna au mariage de son fils et aux fêtes célébrant la venue du premier enfant de sa fille (M meru ュ ). Il aurait vécu à J n ga ボh, au Saur ルレra; brahmane n gara, il se serait écarté des préoccupations familières de son groupe social pour s’adonner à une piété aussi fervente qu’exclusive envers son Dieu à qui il donne le plus souvent les noms vichnouites de «Krishna», «Hari», «Vi hala». Ses poèmes, composés pour être chantés en compagnie de ses fidèles, sont d’abord transmis oralement, puis tardivement par des manuscrits peu fiables (comme l’ensemble de la littérature médiévale d’ailleurs, à la différence de la littérature en vieux gujar t 稜). Narasi ュha Mahet exprime une intense dévotion personnelle dans une langue harmonieuse et accessible à tout un chacun, se démarquant ainsi de la tradition brahmanique et restant indépendant de toute affiliation sectaire. Ses œuvres les plus connues sont les «prières du matin» (prabh tiy ュ ), et Gandhi, dont la langue maternelle était le gujar t 稜, propagea dans toute l’Inde son poème le plus célèbre ’Vai ルユava jana to tene kah 稜ye , qui dépeint la perfection vichnouite à la portée du simple fidèle. Les prédicateurs ismaélites, dont le plus célèbre est Imam Shah (1452-1513?), se servirent aussi de la forme du pada pour convertir à l’Islam, et leurs gin n ont les accents de la bhakti vichnouite.

Parallèlement au krishnaïsme, un courant de dévotion plus austère et philosophique naquit avec Akho (vers 1600-1655). Orfèvre de son métier, dégoûté du monde, il écrivit de longs poèmes exaltant le monisme shankarien en une langue simple (Akhe-g 稜t , 1648). Plus célèbres et plus intéressants sont ses chapp , sept cent quarante-six épigrammes satiriques de six lignes où l’auteur n’a pas son pareil pour fustiger la société de son temps. L’esprit d’Akho se retrouve au XVIIIe siècle dans un groupe de saints poètes appelés globalement les «bhagats» (Nir nta, 1747-1824?; Dh 稜ro, 1753-1824; Bhojo, 1784-1840; ce dernier, un paysan illettré du Saur ルレra étonne encore par la vigueur de ses c bakh , «coups de fouet»).

Plus écrivains que chefs religieux, les auteurs des khy na («poèmes narratifs») transposèrent en gujar t 稜 les innombrables mythes et légendes contenus dans les pur ユa et dans les épopées. Ils agrémentaient la trame de l’histoire de leurs propres développements, interprétant les caractères des personnages, actualisant les événements. Certains d’entre eux, les M ユa bha レa , ou G gari bha レa , allaient récitant leurs compositions durant des nuits entières de village en village. Bh la ユa (1550-1550?), qui passe pour le premier khy nak ra , transposa des passages du Bh gavata-pur ユa (K リルユa b la carita ). Son Nal khy na servit de modèle aux adaptateurs ultérieurs de l’histoire de Nala et Damayant 稜. On a découvert le manuscrit d’un chef-d’œuvre de Bh la ユa, K dambar 稜 , où l’auteur allie le charme précieux de l’œuvre sanskrite originale de B ユa à un style plus intime, lorsqu’il décrit le bonheur domestique et les sentiments familiaux. Le génie de Prem nanda (1640-1700?) a éclipsé les autres écrivains d’ khy na . Probablement un bha レa errant dont nous ignorons la biographie, il dut être un conteur merveilleux si l’on en juge par la vivacité de ses récits. Il allégea le genre rigide de l’ khy na en alternant savamment narration, dialogue dramatique, chants lyriques (pada ou garab 稜 ), description essoufflante. Il ne manque pas d’accents moliéresques dans la description du vieux Sud m (Sud m carita , 1675-1690) ou du pauvre Narasi ュha Mahet (M meru ュ , 1683). Parmi l’œuvre abondante de Prem nanda (encore qu’établie de façon incertaine), la veine classique de l’ khy na est représentée par Okh hara ユa (1667) et par Nal khy na (1686).

え ma ヤa Bha レa (1695-1770?), célèbre pour ses portraits de femmes intelligentes et savantes, manie un style vif, aux résonances modernes, qui lui a permis de raviver tout le vieux fonds d’histoires reprises du cycle de Vikrama. Mais les femmes ont à souffrir de sa plume dans ses chapp , là où il choisit de s’exprimer en moraliste laïque.

Les Sv m 稜-n r ya ユ 稜, adeptes d’une secte krishnaïte fondée à la fin du XVIIIe siècle, recueillirent sous la forme du langage parlé les sermons de leur maître spirituel Sahaj nanda, donnant au gujar t 稜 médiéval un ultime spécimen de prose, le Vacan m リtam (vers 1830), avant l’influence anglaise.

La dévotion du krishnaïsme vallabhite, qui, depuis le XVIe siècle, s’exprimait en langue braj, a inspiré Day r ma (1777-1852), le dernier poète de l’époque médiévale, le premier dont nous connaissions la biographie, la personnalité raffinée et sensuelle. Reprenant au folklore le garabo , chant traditionnel en l’honneur de la déesse, il modela le genre du garab 稜 où il est resté inimitable: ce court poème lyrique, destiné à être chanté et même dansé par des femmes, décrit en touches subtiles, le plus souvent sous forme dialoguée, les sentiments amoureux de Krishna et d’une gop 稜 (bouvière), qui est parfois R dh .

Gujar size=5t size=5稜 moderne depuis 1850

Après la conquête par les Anglais des possessions marathes dans la péninsule gujar t 稜 et après la pacification de l’ensemble des principautés qui forment l’État du Gujar t moderne, apparut dès 1820 une littérature nouvelle sous l’influence des auteurs anglais rendus accessibles par l’introduction d’un enseignement de type occidental à Bombay, Surat et Ahmedabad. La première imprimerie gujar t 稜, lithographique, non missionnaire, fut installée à Surat en 1842. Les nouveaux manuels scolaires et la presse gujar t 稜 naissante fixèrent une norme pour la prose, et on vit ensuite l’épanouissement de tous les genres occidentaux: roman, nouvelle, théâtre... La poésie demeura cependant pour un temps le moyen d’expression littéraire préféré. Elle servit des buts aussi prosaïques que la lutte sociale menée par les deux précurseurs de la littérature moderne: Dalpatr m (1820-1898), principal animateur de la Gujar t Vernacular Society, fondée en 1848 par un juge anglais, A. K. Forbes, et Narmadashankar (1833-1886), un des brillants élèves du Elphinstone College, fondé à Bombay en 1827. Il s’agissait pour Dalpat et Narmad, comme pour leurs contemporains et successeurs, de purifier la société hindoue de ses défauts, tels le mariage des enfants ou le veuvage forcé des jeunes filles de haute caste. Le combat social contre ces abus fut bientôt accompagné d’une redécouverte (notamment à travers les travaux de l’érudition sanskrite occidentale) du passé glorieux de l’Inde antique; il s’ensuivit une volonté d’identification nationale aux valeurs de ce passé prestigieux. Ce fut alors, précédant le retour de Gandhi en Inde (1915), l’«ère des savants» (pa ユボita yuga ). Les deux grandes figures sont Narasi ュhar o Divetia (1859-1937) et Govardhanar m Tripathi (1855-1907), auteur du roman Sarasvat 稜candra en quatre volumes (1887-1901). Les plus solides contributions littéraires de la lutte pour l’indépendance demeurent l’autobiographie de Gandhi (1869-1948), Satyan prayogo athav tmakath (1926), et le journal rédigé par son secrétaire, Mah dev Desai (1892-1942): Mah deva-bh 稜-n 稜 d yar 稜 en treize volumes. Umashankar Joshi (né en 1911) et Sundaram (né en 1908) sont les poètes marquants de cette époque fertile. La nouvelle apparut relativement tard, mais reprit à l’envi les thèmes du roman social représenté par Pann l l Patel (né en 1913), Jhaverchand Meghani (1897-1947) et Darshak (né en 1914). La nouvelle connaît un succès ininterrompu, la demande étant considérable. Parmi la foule des noms, on peut retenir Dh maketu (1892-1965) et Gul bd s Broker (né en 1909). Après l’indépendance de l’Inde, un vent de désillusion souffla sur l’inspiration des jeunes poètes, qui cultivèrent dès lors le retour sur soi. Le plus exigeant de tous, initiateur et critique brillant qui domine encore la scène littéraire, est Suresh Joshi (né en 1921).

La révolte littéraire des dernières décennies, incarnée par Suresh Joshi, censeur lui-même de toutes les singeries occidentales, dépasse le conflit d’identité entre, d’une part, l’ouverture à l’Occident et au modernisme, et, d’autre part, la prise de conscience d’une indianité. Cette indianité, en effet, a été investie de l’intérieur par le développement d’une société de type occidental, triomphante dans les grands centres industriels et urbains: si bien que la littérature contemporaine gujar t 稜 reste elle-même lorsqu’elle décrit, sur un mode désespéré, son propre Occident.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Apport Du Jaïnisme Aux Langues Et À La Littérature Indiennes — Religions Védisme Brahmanisme Hindouisme Ajîvika …   Wikipédia en Français

  • Apport du jainisme aux langues et a la litterature indiennes — Apport du jaïnisme aux langues et à la littérature indiennes Religions Védisme Brahmanisme Hindouisme Ajîvika …   Wikipédia en Français

  • Les langues, la littérature et le Jaïnisme — Apport du jaïnisme aux langues et à la littérature indiennes Religions Védisme Brahmanisme Hindouisme Ajîvika …   Wikipédia en Français

  • Apport du jaïnisme aux langues et à la littérature indiennes — L apport le plus estimable des jaïns à la culture indienne est, peut être, celui concernant la langue et la littérature. Il est certain que, depuis la période védique, deux courants différents de pensée et de manière de vivre prévalent en Inde.… …   Wikipédia en Français

  • South Asian arts — Literary, performing, and visual arts of India, Pakistan, Bangladesh, and Sri Lanka. Myths of the popular gods, Vishnu and Shiva, in the Puranas (ancient tales) and the Mahabharata and Ramayana epics, supply material for representational and… …   Universalium

  • Ahmadabad — Ahmedabad Pour les articles homonymes, voir Ahmadabad (homonymie). Ahmedabad Devant la gare de train d Ahmedabad …   Wikipédia en Français

  • Ahmadâbâd — Ahmedabad Pour les articles homonymes, voir Ahmadabad (homonymie). Ahmedabad Devant la gare de train d Ahmedabad …   Wikipédia en Français

  • Bengali — Pour les articles homonymes, voir Bengali (homonymie). Bengali বাংলা Parlée au Bangladesh, Inde, et communautés dans d’autres pays Région sous continent indien, Bangladesh, Inde, États indie …   Wikipédia en Français

  • Ahmedabad — Pour les articles homonymes, voir Ahmadabad (homonymie). Ahmedabad Skyline de Ashram Road, Sidi Saiyyed ni Jali, Kankaria Lakefront, Ellis Bridge, Dilli …   Wikipédia en Français

  • INDE - Langues et littératures — 1. Langues et littératures indo aryennes Dans le sous continent indien aux côtés du bloc dravidien, des groupes munda et tibéto birman, le groupe linguistique de loin le plus important est le groupe indo aryen. Les langues indo aryennes forment… …   Encyclopédie Universelle

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”